Solidaires 31ExpressionsLe Rassemblement National et le mouvement social : « je t’Hai-me moi non plus »
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Le Rassemblement National et le mouvement social : « je t’Hai-me moi non plus »


Tribune de VISA sur Médiapart

Abandonner à La République en Marche la légitimité du combat contre le Rassemblement National, c’est l’assurance, comme lors des européennes, d’une victoire politique de l’extrême droite aux municipales. Ce parti est un danger mortel non seulement pour la démocratie et la liberté, mais encore plus pour les classes populaires qui luttent pour leur dignité.

Depuis le début du mouvement social, la présidente du Rassemblement National interprète un rôle de composition en déclarant soutenir les mobilisations contre la retraite à point. Marine Le Pen déclare ainsi appuyer « sans réserve » les manifestations contre le projet gouvernemental. Elle ajoute ne pas vouloir y participer, alors qu’elle sait pertinemment que sa venue déclencherait l’hostilité vigoureuse des manifestants.

Par cette manœuvre électoraliste cynique et perverse, la présidente du RN tente de « coller » à la colère des salarié.es qui se mobilisent contre les projets libéraux remettant en cause les acquis sociaux. Jusqu’à présent, le RN attendait patiemment qu’une partie de ces classes populaires, victimes des politiques ultra-libérales, expriment cette colère en votant pour l’extrême droite lepeniste. Cette politique allait de pair avec une dénonciation des organisations syndicales et des grévistes. Ainsi, en 1995, lors de la grève des cheminots, le journal du FN, National Hebdo, titrait, à propos des deux secrétaires nationaux de FO et de la CGT : « Blondel et Viannet en prison, ça plairait à plus d’un ».

Aujourd’hui le FN/RN adopte une nouvelle « tactique » et veut faire croire qu’il soutient la cause des grévistes alors que tout, dans sa pratique, son programme et son projet politique, passé et présent, démontre son opposition aux revendications sociales contre le libéralisme. Cette opposition allant de pair avec une dénonciation haineuse du mouvement syndical dont le rôle est de soutenir ces revendications et d’organiser les mobilisations.

Avant la grève du 5 décembre 2019, le RN a tenté ce numéro d’équilibriste en prétendant soutenir les grévistes tout en stigmatisant les syndicats, en particulier la CGT. De son côté, par la voix de son secrétaire général, Philippe Martinez, la CGT avait déclaré, dès fin novembre 2019 : « que le RN n’était pas le bienvenu dans les manifestations » et que « le problème de ce pays, ce n’est pas l’immigration, c’est le partage des richesses », ajoutant le 20 décembre 2019 « Le jour où je validerai les propos du RN, il faudra m’exclure de la CGT ». Durant le mouvement social, d’autres syndicats prendront des positions similaires.

La tentative de manipulation ayant lamentablement échouée, le parti d’extrême droite retrouve alors sa vieille haine antisyndicale en déclarant que la CGT n’aurait pas le « monopole de la contestation », qu’elle serait l’alliée « des islamistes » et autres insanités. Parallèlement, les vieilles obsessions « intégristes » et « identitaires » s’expriment à travers la déclaration de Gilbert Collard demandant une « trêve de Noël » pour respecter les traditions françaises et de Riposte Laïque, officine officieuse du FN/RN, décrivant les grèves et mobilisations comme un complot musulman visant à ruiner Noël. Le 14 janvier 2020, Marine Le Pen « se lâche » à nouveau dans les médias en déclarant : « On a toutes les raisons de détester la CGT et Monsieur Martinez », renouant ainsi avec la vieille haine antisyndicale de l’extrême droite.

Sur le fond, le discours du parti est étonnamment creux, vide, abstrait. Sa présidente, Marine Le Pen, ne prétend même pas disposer d’une ébauche de calcul, tout en se fiant à ses pseudo-recettes habituelles qui consistent à dire – en gros – que ce seront l’étranger et les étrangers qui vont payer. Ainsi, fin novembre 2019, elle prétend qu’on va trouver l’argent pour financer un système de retraite plus favorable que celui projeté par le gouvernement en taillant dans « les contributions françaises à l’Union européenne et dans les coûts de l’immigration ». Ceci en ajoutant : « Après, on regarde si ça tient. Et moi, je pense que ça tiendra. ». Tout est dans le « Après, on regarde si ça tient. » Si la recette ne marche pas, ce sera assurément encore la faute aux étrangers et aux autres pays. Enfin, cerise sur le gâteau, la solution serait « l’augmentation de la natalité française », l’adjectif « française » doit bien sûr être compris dans l’acception discriminante habituelle qu’en a le RN.

N’oublions pas les leçons de l’histoire, il n’est pas nouveau que les partis d’extrême droite fassent croire qu’ils soutiennent des revendications sociales. Le programme de 1919 du parti de Mussolini exigeait, entre autres : la retraite à 55 ans, le droit de vote des femmes, la taxation du capital et la nationalisation des trusts (évidemment jamais mis en place). En 1920, le dictateur fasciste fait croire qu’il soutient les grèves à Turin, pendant que ses fascistes attaquaient les piquets de grèves dans la Vallée du Pô. Mussolini déclarait alors : « L’important ce n’est pas ce qu’on écrit, mais ce qu’on fait. ».

Marine Le Pen pourrait dire aujourd’hui : « L’important ce n’est pas ce que je dis à la télé, mais ce que mon parti fait, regardez notre politique dans les communes que le RN et (ou) nos clones dirigent ». Ces communes sont des laboratoires pour un programme politique qu’appliquerait le RN s’il gagnait en 2022 et qui n’a rien de social.

Les actes des maires du RN ou assimilés témoignent la plupart du temps que le racisme, l’atteinte aux libertés, l’anti-syndicalisme, l’obsession sécuritaire et la haine des pauvres font toujours partie de leur ADN. Cette mémoire, nous l’avons compilée avec opiniâtreté, dans les trois tomes que nous avons publiés de « Lumières sur Mairies Brunes » (1) en concordance avec les réseaux militants locaux et le collectif intersyndical national « Uni-e-s contre l’extrême droite, ses idées et ses pratiques ». Ces exemples concrets de la nuisance sociale de l’extrême droite dans les villes qu’elle dirige sont, aussi, des outils dans les formations syndicales que nous organisons.

Les militant.es de Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes, sont souvent atterré.es par l’impuissance, l’apathie et (ou) le manque de réponses et de réactions, sur les plateaux de télévision, de beaucoup d’hommes/femmes politiques, face aux mensonges, énormités et propos haineux proférés par des représentant.es du Rassemblement National.

Par ailleurs, le discours mensonger du Rassemblement National est validé par certains médias qui en font un parti comme les autres dont les propositions seraient respectueuses du cadre républicain et démocratique, alors que l’idéologie et la politique que le RN et ses acolytes appliquent dans les municipalités qu’ils dirigent préfigurent ce qu’il adviendrait des acquis sociaux, de la démocratie et des libertés s’ils parvenaient au pouvoir suprême.

La politique antisociale de Macron et le dévoiement de la nécessaire lutte contre Rassemblement National, son programme et son idéologie, constitue un véritable tremplin pour l’accession de Marine le Pen à l’Elysée en 2022. Face à ce danger mortel, la mobilisation contre le Rassemblement National, dans l’unité, de l’ensemble du mouvement syndical, du mouvement social et de celles et ceux qui le soutiennent est, plus que jamais, une nécessité absolue.

https://blogs.mediapart.fr/association-visa/blog/170220/le-rassemblement-national-et-le-mouvement-social-je-thai-me-moi-non-plus

(1) Editions Syllepse

*VISA est une association intersyndicale unitaire et antifasciste composée d’une centaine de structures syndicales de la FSU et plusieurs de ses syndicats, de l’Union Syndicale Solidaires et plusieurs de ses syndicats, de fédérations et de syndicats de la CGT, de la CFDT, de la CNT-SO et le syndicat de la Magistrature. Elle se donne pour objectif de combattre l’extrême droite sur les lieux de travail. – Site : https://www.visa-isa.org/